Analyse de la servante au grand coeur
Le recueil de Baudelaire Les Fleurs du Mal fut l'objet d'un procès pour immoralité dès sa première parution en 1857. Baudelaire dut donc supprimer 6 poèmes censurés et fit paraître en 1861 une nouvelle édition remaniée et augmentée. Le poème sans titre « La servante au grand coeur... »fait partie de la section Tableaux parisiens qui fut ajoutée à cette édition de 1861. Dans cette deuxième partie du recueil, le poète évoque en général des scènes et des personnages rencontrés au hasard des rues de Paris. Mais ici le point de départ du poème est un souvenir lié à l'enfance parisienne du poète : Baudelaire se souvient d'une servante, Mariette, qui s'est occupée de lui, à l'époque de la mort de son père et du remariage de sa mère. Sur le ton de la conversation familière, le poète fait l'éloge funèbre de la servante et dit son horreur de la mort.
I- Un ton et une atmosphère d'intimité
Un poème discrètement autobiographique
Baudelaire fait implicitement allusion à des faits remontant à son enfance : par le « vous » du premier vers, il s'adresse sans doute à sa mère, qui apparaît ainsi comme la destinatrice de tout le poème. Il l'accuse à la fois d'avoir été « jalouse » de la servante qui a élevé et aimé l'enfant (« couver », « oeil maternel ») et de délaisser maintenant sa tombe. Comme dans un récit autobiographique, le « je » du passé et celui du présent sont à la fois distincts et confondus : comme s'il se voyait par les yeux de la servante disparue, il se désigne par l'expression « l'enfant grandi », à la fois enfant et adulte. Pas d'explications, seulement des allusions disséminées dans le poème qui nous permettent de reconstituer une situation familiale complexe; pas de détails (« ne pas prostituer les choses intimes de la famille ») : pas le nom de la servante par exemple, une seule occurrence du pronom « vous