Analyse du poème "Je trahirai demain" de Marianne Cohn
Je trahirai demain pas aujourd'hui,
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn est née en 1922 en Allemagne de parents juifs. Elle entre dans la résistance en 1941, à l'âge de 19 ans. Elle est arrêtée 2 ans plus tard pour avoir fait passer la frontière suisse à des enfants juifs, puis est relâchée au bout de trois mois. On suppose que le poème « Je trahirai demain » a été écrit à cette époque. En mai 1944, elle est à nouveau arrêtée et torturée par la Gestapo pour les mêmes raisons. La nuit du 7 au 8 juillet 1944, elle meurt sous les coups de ses tortionnaires, sans avoir livré aucune information.
Ce poème trahit une grande souffrance, aussi morale que physique, dûe au dilemme auquel l'auteure est confrontée.
La volonté et la force de caractère de l'héroïne sont omniprésentes ; elle défie ses tortionnaires, les provoque même, mais elle connaît ses limites et ses faiblesses, et le sacrifice qu'elle s'apprête à faire lui coûte énormément.