Analyse du voyage de Chihiro
Le monde des bains jouit de certaines règles mais surtout de sa propre logique, qui peut paraître absurde aux étrangers. Un des exemples les plus forts et candides est le réveil des filles après les pluies torrentielles : un océan s’est formé au loin, ce dont Chihiro s’étonne, alors que Lin trouve cela normal. À ma connaissance, ce n’est pas lié à quelconque croyance japonaise mais à une simple création de Miyazaki sur la physique de cet univers fantasmé.
Selon la pensée japonaise, le monde des dieux (kami) et des esprits (yokai) se superpose au nôtre. Pour simplifier, pensez à Totoro. Le Voyage de Chihiro utilise des symboles carrolliens (tunnel, rivière, pont) non seulement pour marquer un franchissement, mais également pour signifier la difficulté à retourner dans son propre monde. En extrapolant, on marque la différence de dimensions comme dans Le Magicien d’Oz ou Alice au Pays des Merveilles. D’ailleurs, Chihiro partage avec Alice ce rapport capital à l’alimentation : le repas fastueux transforme les parents de Chihiro en cochons ; le médicament de Haku la sauve de la disparition et ses onigiri la réconfortent ; la boulette du dieu des rivières soigne le sans-visage et Haku, etc.
Le monde des bains agit également comme une critique de la société contemporaine. Son existence même révèle que les dieux / esprits doivent se délasser, voire se purifier ou même se soigner. Aburaya est un établissement de thermes (appelés onsen ou sentô) comme il en existe des centaines au Japon ; à ceci près que celui-ci leur est réservé. Qui les fatigue ou les salit ? Le client putride agit comme un révélateur du caractère écologique sous-tendu : lorsqu’elle libère le dieu des rivières, c’est aussi bien une prise de