Anthologie de la mort
LE DORMEUR DU VALC’est un trou de verdure où chante une rivièreAccrochant follement aux herbes des haillonsD’argent ; où le soleil, de la montagne fière,Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant commeSourirait un enfant malade, il fait un somme :Nature, berce-le chaudement : il a froid.Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrineTranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.7 octobre 1870 // Arthur Rimbaud .
Mort !
Les Armes ont tu leurs ordres en attendantDe vibrer à nouveau dans des mains admirablesOu scélérates, et, tristes, le bras pendant,Nous allons, mal rêveurs, dans le vague des Fables.
Les Armes ont tu leurs ordres qu’on attendaitMême chez les rêveurs mensongers que nous sommes,Honteux de notre bras qui pendait et tardait,Et nous allons, désappointés, parmi les hommes.
Armes, vibrez ! mains admirables, prenez-les,Mains scélérates à défaut des admirables !Prenez-les donc et faites signe aux En-allésDans les fables plus incertaines que les sables.
Tirez du rêve notre exode, voulez-vous ?Nous mourons d’être ainsi languides, presque infâmes !Armes, parlez ! Vos ordres vont être pour nousLa vie enfin fleurie au bout, s’il faut, des lames.
La mort que nous aimons, que nous eûmes toujoursPour but de ce chemin où prospèrent la ronceEt l’ortie, ô la mort sans plus ces émois lourds,Délicieuse et dont la victoire est l’annonce !
Paul Verlaine
Un groupe tout à l’heure…
Un groupe tout à l’heure était là sur la grève,Regardant quelque chose à terre. - Un chien qui crève !M’ont crié des enfants ; voilà tout ce que c’est. -Et j’ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.L’océan lui jetait l’écume de ses lames.- Voilà trois jours qu’il est ainsi, disaient des