anthologie de la poesie
Le pied d’un tyran sur ton front,
La voix sortira des cavernes ;
Les enchaînés tressailleront. Le banni, debout sur la grève,
Contemplant l’étoile et le flot,
Comme ceux qu’on entend en rêve,
Parlera dans l’ombre tout haut ; Et ses paroles, qui menacent,
Ses paroles, dont l’éclair luit,
Seront comme des mains qui passent
Tenant des glaives dans la nuit. Elles feront frémir les marbres
Et les monts que brunit le soir;
Et les chevelures des arbres
Frissonneront sous le ciel noir. Elles seront l’airain qui sonne,
Le cri qui chasse les corbeaux,
Le souffle inconnu dont frissonne
Le brin d’herbe sur les tombeaux ; Elles crieront : honte aux infâmes,
Aux oppresseurs, aux meurtriers!
Elles appelleront les âmes
Comme on appelle des guerriers ! Sur les races qui se transforment,
Sombre orage, elles planeront ;
Et si ceux qui vivent s’endorment,
Ceux qui sont morts s’éveilleront.
Mallarmé :
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
Art poétique :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise