Anthologie de poésie sur le voyage
A mon frère revenant d’Italie
Ainsi, mon cher, tu t’en reviensDu pays dont je me souviensComme d’un rêve,De ces beaux lieux où l’orangerNaquit pour nous dédommagerDu péché d’Ève.
Tu l’as vu, ce ciel enchantéQui montre avec tant de clartéLe grand mystère ;Si pur, qu’un soupir monte à DieuPlus librement qu’en aucun lieuQui soit sur terre.
Tu les as vus, les vieux manoirsDe cette ville aux palais noirsQui fut Florence,Plus ennuyeuse que MilanOù, du moins, quatre ou cinq fois l’an,Cerrito danse.
Tu l’as vue, assise dans l’eau,Portant gaiement son mezzaro,La belle Gênes,Le visage peint, l’oeil brillant,Qui babille et joue en riantAvec ses chaînes.
Tu l’as vu, cet antique port,Où, dans son grand langage mort,Le flot murmure,Où Stendhal, cet esprit charmant,Remplissait si dévotementSa sinécure.
Tu l’as vu, ce fantôme altierQui jadis eut le monde entierSous son empire.César dans sa pourpre est tombé :Dans un petit manteau d’abbéSa veuve expire.
Tu t’es bercé sur ce flot purOù Naple enchâsse dans l’azurSa mosaique,Oreiller des lazzaroniOù sont nés le macaroniEt la musique.
Qu’il soit rusé, simple ou moqueur,N’est-ce pas qu’il nous laisse au coeurUn charme étrange,Ce peuple ami de la gaietéQui donnerait gloire et beautéPour une orange ?
Catane et Palerme t’ont plu.Je n’en dis rien ; nous t’avons lu ;Mais on t’accuseD’avoir parlé bien tendrement,Moins en voyageur qu’en amant,De Syracuse.
Ils sont beaux, quand il fait beau temps,Ces yeux presque mahométansDe la Sicile ;Leur regard tranquille est ardent,Et bien dire en y répondantN’est pas facile.
Ils sont doux surtout quand, le soir,Passe dans son domino noirLa toppatelle.On peut l’aborder sans danger,Et dire : ” Je suis étranger,Vous êtes belle. ”
Ischia ! C’est là, qu’on a des yeux,C’est là qu’un corsage amoureuxSerre la hanche.Sur un bas rouge bien tiréBrille, sous le jupon doré,La mule blanche.
Pauvre Ischia ! bien des gens n’ont vuTes jeunes filles que pied nuDans la