Anthologie les comtemplations Victor Hugo
J'avais douze ans ; elle en avait bien seize. Jeunes amours, si vite épanouies,
Elle était grande, et, moi, j'étais petit. Vous êtes l'aube et le matin du coeur.
Pour lui parler le soir plus à mon aise, Charmez l'enfant, extases inouïes !
Moi, j'attendais que sa mère sortît ; Et quand le soir vient avec la douleur,
Puis je venais m'asseoir près de sa chaise Charmez encor nos âmes éblouies,
Pour lui parler le soir plus à mon aise. Jeunes amours, si vite épanouies
Que de printemps passés avec leurs fleurs !
Que de feux morts, et que de tombes closes !
Se souvient-on qu'il fut jadis des coeurs ?
Se souvient-on qu'il fut jadis des roses ?
Elle m'aimait. Je l'aimais. Nous étions
Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.
Dieu l'avait faite ange, fée et princesse.
Comme elle était bien plus grande que moi,
Je lui faisais des questions sans cesse
Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?
Et par moments elle évitait, craintive,
Mon oeil rêveur qui la rendait pensive.
Puis j'étalais mon savoir enfantin,
Mes jeux, la balle et la toupie agile ;
J'étais tout fier d'apprendre le latin ;
Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;
Je bravais tout; rien ne me faisait mal ;
Je lui disais : Mon père est général.
Quoiqu'on soit femme, il faut parfois qu'on lise
Dans le latin, qu'on épelle en rêvant ;
Pour lui traduire un verset, à l'église,
Je me penchais sur son livre souvent.
Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,
Quand nous étions à vêpres le dimanche.
Elle disait de moi : C'est un enfant !
Je l'appelais mademoiselle Lise.
Pour lui traduire un psaume, bien souvent,
Je me penchais sur son livre à l'église ;
Si bien qu'un jour, vous le vîtes, mon Dieu !
Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.
Lise est un poème appartenant à « Aurore» qui est