Anthologie les fleurs du mal de baudelaire
Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Description
C’est un sonnet, construit sous la forme ABBA CDDC EFF GHH (classique). Les vers sont des alexandrins et il y a des coupes à l’hémistiche dans les quatrains. Les assonances en « el » et « ierre» du premier quatrain lui donnent de la fluidité, contrairement au son « our » bien que cela lui donne une belle musicalité.
Place du poème dans le recueil
Nous sommes dans la partie Spleen et Idéal où Baudelaire veut échapper au spleen par l’art. Ici, plus précisément, il veut sortir du spleen par la beauté et échapper par une recherche de l’idéal auquel il aspire à toutes les formes du spleen dévastateur, l’ennui, le dégoût de la vie qui le rattrape. Cela décrit l’idéal parnassien. C’est le principe de l’art pour l’art.
Analyse du poème
C’est une allégorie où la beauté est incarnée dans le corps d’une belle femme. Plusieurs comparaisons parlent de sculptures (l.1 : « comme un rêve de pierre », l.5 : « comme un sphinx »), ce qui enlève ses sentiments à la beauté (l.8 « Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris »). Le premier « je » est orgueilleux, le deuxième est souverain : il y a d’ailleurs une métaphore l.6 « un cœur de neige » qui montre l’impassibilité de la beauté. Elle est froide, pure, lisse et blanche. On voit qu’elle