Anthologie poetique
Tristesse
Si je pouvais trouver un éternel sourire,
Voile innocent d'un coeur qui s'ouvre et se déchire,
Je l'étendrais toujours sur mes pleurs mal cachés
Et qui tombent souvent par leur poids épanchés.
Renfermée à jamais dans mon âme abattue,
Je dirais : " Ce n'est rien " à tout ce qui me tue ;
Et mon front orageux, sans nuage et sans pli,
Du calme enfant qui dort peindrait l'heureux oubli.
Dieu n'a pas fait pour nous ce mensonge adorable,
Le sourire défaille à la plaie incurable :
Cette grâce mêlée à la coupe de fiel,
Dieu mourant l'épuisa pour l'emporter au ciel.
Adieu, sourire ! Adieu jusque dans l'autre vie,
Si l'âme, du passé n'y peut être suivie !
Mais si de la mémoire on ne doit pas guérir,
À quoi sert, ô mon âme, à quoi sert de mourir ?
Paul Verlaine
Ô triste, triste était mon âme
Ô triste, triste était mon âme
A cause, à cause d'une femme.
Je ne me suis pas consolé
Bien que mon cœur s'en soit allé,
Bien que mon cœur, bien que mon âme
Eussent fui loin de cette femme.
Je ne me suis pas consolé,
Bien que mon cœur s'en soit allé.
Et mon cœur, mon cœur trop sensible
Dit à mon âme : Est-il possible,
Est-il possible, - le fût-il,
Ce fier exil, ce triste exil ?
Mon âme dit à mon cœur : Sais-je,
Moi-même, que nous veut ce piège
D'être présents bien qu'exilés
Encore que loin en allés ?
Stéphane MALLARME
Tristesse d'été
Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l'or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l'encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.
De ce blanc flamboiement l'immuable accalmie
T'a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux
" Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l'antique désert et les palmiers heureux ! "
Mais la chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l'âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.
Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,