anthologie poetique
Photographie d’une ancienne coupe grecque, avec une représentation de dieu.
La coupe
Au temps des Immortels, fils de la vie en fête,
Où la Lyre élevait les assises des tours,
Un artisan sacré modela mes contours
Sur le sein d’une vierge, entre ses sœurs parfaites,
Des siècles je régnai, splendide et satisfaite,
Et les yeux m’adoraient… Quand, vers la fin des jours,
De mes félicités le sort rompit le cours,
Et je fus emportée au vent de la défaite.
Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin,
Je vis, toujours debout sur un socle hautain,
Dans l’empyrée, où l’Art divin me transfigure.
Je suis la Coupe d’or, fille du temps païen ;
Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure,
L’incorruptible orgueil de ne servir à rien.
Albert Samain, Au jardin de l’infante
Un des anges au célèbre pont Ponte Sant 'Angelo. Sculpture baroque par Ercole Ferrata. Portant un crucifix.
Le Crucifix
Toi que j’ai recueilli sur sa bouche expirante
Avec son dernier souffle et son dernier adieu,
Symbole deux fois saint, don d’une main mourante,
Image de mon Dieu !
Que de pleurs ont coulé sur tes pieds, que j’adore,
Depuis l’heure sacrée où, du sein d’un martyr,
Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore
De son dernier soupir !
Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme ;
Le prêtre murmurait ces doux chants de la mort,
Pareils aux chants plaintifs que murmure une femme
A l’enfant qui s’endort.
De son pieux espoir son front gardait la trace,
Et sur ses traits, frappés d’une auguste beauté,
La douleur fugitive avait empreint sa grâce,
La mort sa majesté.
Le vent qui caressait sa tête échevelée e montrait tour à tour ou me voilait ses traits,
Comme l’on voit flotter sur un blanc mausolée
L’ombre des noirs cyprès.
Un de ses bras pendait de la funèbre couche,
L’autre, languissamment replié sur son coeur,
Semblait chercher encore et presser sur sa bouche
L’image du