anthologie reve
Il a mis le veston du père,
Les chaussures de la maman
Et le pantalon du grand frère
Il nage dans ses vêtements.
Il nage, il nage à perdre haleine.
Il croise des poissons volants,
Des thons, des dauphins, des baleines...
Que de monde, dans l'océan! Écume blanche et coquillages,
Il nage depuis si longtemps
Qu'il aborde enfin au rivage
Du pays des rêves d'enfants.
Jacques CHARPENTREAU
Phantasma.
J'ai rêvé l'archipel parfumé, montagneux,
Perdu dans une mer inconnue et profonde
Où le naufrage nous a jetés tous les deux
Oubliés loin des lois qui régissent le monde.
Sur le sable étendue en l'or de tes cheveux,
Des cheveux qui te font comme une tombe blonde,
Je te ranime au son nouveau de mes aveux
Que ne répéteront ni la plage ni l'onde.
C'est un rêve. Ton âme est un oiseau qui fuit
Vers les horizons clairs de rubis, d'émeraudes,
Et mon âme abattue est un oiseau de nuit.
Pour te soumettre, proie exquise, à mon ennui
Et pour te dompter, blanche, en mes étreintes chaudes,
Tous les pays sont trop habités aujourd'hui.
Charles CROS, Le collier de griffes (posthume), 1908
Rêves
Je te vois t’accrochant aux rêves.
Triste et dur sera ton réveil, car poursuivant de faux soleils, en eux se dessèchera ta sève.
En toi tu sais vivre par coeur à force d’imagination.
Tristes et dures seront les heures te ramenant à la raison.
Tu vas, t’inventant des images, inversant les réalités.
Triste et dur sera le voyage qui vient parfois te réveiller.
Eh bien, qu’il me soit triste et dur!
Encor j’en veux payer le prix, et que mes rêves ne soient finis!
Par-delà mes réveils, qu’ils durent!
Esther GRANEK, Portraits et chansons sans retouches, 1976.
À quelqu'un qui me réveillait
Pourquoi me rendre à ma douleur ?
Pourquoi rétablis-tu, barbare,
Entre mon sort et le bonheur
L'immensité qui les sépare ?
En précipitant mon réveil,
Sais-tu bien ce que tu m'enlèves ?
Je retrouverai mon sommeil,