Anthologie sonnets
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :Ainsi en ta première et jeune nouveauté,Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.
Pierre de Ronsard (1524-1585) ;
Second livre des Amours (1578) ;
« Comme on voit sur la branche … »
Je vis, je meurs : je me brûle et me noie,J’ai chaud extrême en endurant froidure;La vie m’est et trop molle et trop dure,J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout en un coup je ris et je larmoie,Et en plaisir maint grief tourment j’endure,Mon bien s’en va, et à jamais il dure,Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mèneEt, quand je pense avoir plus de douleur,Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,Et être en haut de mon désiré heur,Il me remet en mon premier malheur.
Louise Labé (1524-1566) ; Sonnets (1555) ; « Sonnet VIII »
Il n'est rien de si beau comme Caliste est belle :C'est une œuvre où Nature a fait tous ses efforts,Et notre âge est ingrat qui voit tant de trésors,S'il n'élève à sa gloire une marque éternelle.
La clarté de son teint n'est pas chose mortelle:Le baume est dans sa bouche et les roses dehorsSa parole et sa voix ressuscitent les morts,Et l'art n'égale point sa douceur naturelle.
La blancheur de sa gorge éblouit les regards ;Amour est en ses yeux, il y trempe ses dards,Et la fait reconnaître un miracle invisible.
En ce nombre infini de grâces et d'appas,Qu'en dis-tu ma raison ? crois-tu qu'il