Anthologie sur l'eau
Lorsque la pluie en courtes aiguillettes rebondit aux près saturés une nain amphibie, une Ophélie manchote, grosse et se jette au prochain étang.
Laissons fuir la nerveuse. Elle a de jolies jambes. Tout son corps est ganté de peau imperméable. À peine viande ses muscles longs sont d’une élégance ni chair ni poisson. Mais pour quitter les doigts la vertu du fluide s’allie chez elle aux efforts du vivant. Goitreuse, elle halète… Et ce cœur qui bat gros, ces paupières ridées, cette bouche hagarde m’apitoient à la lâcher.
Françis Ponge (27 mars 1899-6 août 1988)
Texte 2 :
Le pont Mirabeau-Appolinaire-Alcools-1913
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette EAU courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
WILLY RONIS (1910-2009)
Pont Mirabeau, 1948.
Texte 3 : Le lac
“Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Jeter l’ancre un seul jour?
Ô lac! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde! Je viens seul m’asseoir sur cette Pierre
Où tu la vis s’asseoir!
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.”
Alphonse De La Martine, Le Lac, (extrait) Méditations en