Anthropologie et psychanalyse par pl assoun
L’envers inconscient du lien social
• Paul-Laurent Assoun •
Entre anthropologie et psychanalyse, existe un lien que l’on peut dire sulfureux. On sait que ce sont ceux qui, à l’examen, se révèlent les plus nécessaires. À preuve le contraste radical apparent sur ce point, quant au discours, entre la position de Freud et celle de Lacan, qui va introduire un malaise préalable utile dans la question et à ce titre nous fournir un bon point de départ pour localiser, en son juste lieu, la conjonction entre « psychanalyse » et « anthropologie ». Le créateur de la psychanalyse lance un appel, daté solennellement de la préface de Totem et tabou, à la collaboration des sciences du social et du savoir de l’inconscient. Il s’agit d’« appliquer à certains phénomènes encore obscurs de la psychologie collective les points de vue et les données de la psychanalyse », en s’efforçant de « créer un lien entre ethnologues, linguistes, folkloristes, etc. d’une part, et psychanalystes, de l’autre 1 ». Cela va donc dans les deux sens : la psychanalyse ne peut pas se passer des ressources de l’anthropologie sociale et les sciences dites sociales ne peuvent que s’enliser, à reproduire la méconnaissance de l’inconscient, inclus dans leur objet même. Le produit stupéfiant de cette rencontre, lisible à travers ce texte intitulé Totem et tabou (titre littéralement anthropologique) et sous-titré « quelques concordances entre la vie psychique des primitifs et des névrosés » (qui en montre l’envers et la portée cliniques) ne se déparerait donc pas en se qualifiant d’anthropologie… psychanalytique. Du moins s’y démontre-t-il, par une navette ainsi instituée entre le savoir du symptôme singulier (de la névrose obsessionnelle à la phobie) et celui
1. S. Freud, Totem et tabou, préface, 1913.
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du collectif (du tabou au totem), via la question de l’inceste, toutes les ressources pour féconder le savoir du