Antonio skarmeta
BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR
« La rédaction » de Antonio Skarmeta
Le jour de son anniversaire, on offrit à Pedro un ballon. Pedro protesta parce qu'il en voulait un en cuir blanc, avec des parements (1) noirs, comme ceux dans lesquels tapaient les footballeurs professionnels. Par contre, celui-ci, en plastique jaune, lui paraissait trop léger. « On veut mettre un but de la tête et il s'envole. On dirait un oiseau tellement c'est une plume. - C'est mieux - lui dit son père, - comme ça tu ne t'assommeras pas. » Et il lui fit de la main le geste de se taire parce qu'il voulait écouter la radio. Au cours des derniers mois, les rues de Santiago s'étaient remplies de militaires. Pedro avait remarqué que tous les soirs son papa s'asseyait dans son fauteuil favori, sortait l'antenne de son appareil vert et écoutait attentivement des nouvelles qui arrivaient de très loin. Parfois venaient des amis de son père qui fumaient comme des cheminées et qui, après, s'étendaient sur le sol et approchaient leur oreille du récepteur comme si on allait leur distribuer des friandises par les trous. Pedro demanda à sa mère : « Pourquoi écoutent-ils toujours cette radio pleine de bruits ? - Parce que ce qu'elle dit est intéressant. - Qu'est-ce qu'elle dit ? - Des choses sur nous, sur notre pays. - Quelles choses ? - Ce qui se passe. - Et pourquoi on l'entend si mal ? - Parce que la voix vient de très loin. »
Et Pedro pointait un oeil ensommeillé, pour essayer de deviner à travers quel versant de la Cordillère (2) découpé par sa fenêtre pouvait se faufiler la voix de la radio. En octobre, Pedro participa à de grands matches de football dans le quartier. Il jouait dans une rue avec beaucoup d'arbres, et courir sous leur ombrage au printemps était presque aussi agréable que de nager dans le fleuve en été. Pedro avait l'impression que les feuilles murmurantes étaient l'énorme tribune d'un