Apollinaire - pont mirabeau
“Le pont Mirabeau”
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
Analyse Apollinaire et Marie Laurencin passait souvent par le pont Mirabeau, un chef-d'oeuvre de technique et l'élégance architecturale qui avait été construit entre 1893 et 1896 pour relier directement les quartiers d'Auteuil et de Passy, rive droite, avec ceux de Javel et de Grenelle, rive gauche, dont la construction avait causé un scandale, certains voulant sa destruction. Mais il a résisté, ce qui n’est pas indifférent dans le cadre du poème. Il était devenu emblématique de leur amour. Leur couple rompu, le pont inspira au poète une méditation lyrique sur la fuite du temps et de l'amour, méditation dans laquelle il balança entre la résignation douloureuse au changement inévitable et un espoir violent de permanence. Dans une lettre à Madeleine Pagès (1915), il a dit du poème, qu’il est comme «la chanson triste de cette longue liaison brisée». Toutefois, Apollinaire, qui était féru de littérature médiévale, aurait pu s’inspirer d’une chanson de toile du début du XIIIe siècle : “Gayette et Oriour,” publiée dans la “Chrestomathie du Moyen Âge” de Gaston Paris et Ernest Langlois qu’il connaissait certainement. Les deux textes ont le même dessin rythmique, la même position des rimes, le même mouvement de refrain :