Apprendre sans savoir
Pour bien se connaître soi-même, il est souvent utile d’écouter ce que les autres disent de nous. " Parle-moi de moi, je saurai qui je suis ". Quand un fils fait un reproche à son père, il lui renvoie une image, certes déformée, mais par là même signifiante de ce qu’il fait et de ce qu’il est en tant que père. Idem lorsque la Confédération Suisse se fait sermonner par les diplomates européens chargés des négociations bilatérales ou les députés américains à la recherche de l’or nazi. Idem encore lorsque l’école essuie les récriminations d’autres acteurs de la formation et de l’éducation.
Apprendre le snowboard semble être a priori un apprentissage comme un autre. Ses promoteurs ne sont cependant pas de cet avis. Pour mieux nous en convaincre, ils opposent leur démarche à la logique scolaire. En parlant d’eux-mêmes, ils nous disent beaucoup, d’une part sur ce qu’est l’école, d’autre part sur ce qu’elle paraît être. Voyons comment.
Apprendre à apprendre sans savoir qu’on apprend ?
Les surfers revendiquent une forme de rupture avec la tradition antérieure, jugée obsolète : celle du ski de piste. Le paradoxe fondamental est décapant : " tout le challenge, c’est de mettre les enfants dans des situations pédagogiques, leur enseigner sans que jamais ils aient le sentiment d’apprendre ". Entendons-nous bien : il ne s’agit pas seulement d’apprendre avec plaisir, ou encore d’apprendre en s’amusant. Il s’agit d’apprendre sans même savoir qu’on apprend. D’apprendre, en quelque sorte, à son insu.
Du point de vue pédagogique, ce postulat a de quoi choquer, convenons-en. Comment peut-on imaginer un apprentissage durable en l’absence de ce qu’on a coutume d’appeler une " posture réflexive " ? Apprendre " sans le savoir ", voilà qui est bon pour l’enfant sauvage, livré à lui-même dans un environnement exclusivement naturel. Pour le reste, l’histoire de l’éducation nous montre que seule l’intervention explicite des adultes permet au petit d’homme