Argumentation et analyse du discours
1. L’argumentation fait partie du fonctionnement discursif
Dans la mesure où l’analyse du discours (AD) entend décrire le fonctionnement du discours en situation, elle ne peut faire l’économie de sa dimension argumentative. Sans doute, toute prise de parole n’est-elle pas destinée à entraîner l’adhésion de l’auditoire à une thèse (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1970 [1958]). De la conversation courante aux textes littéraires, nombreux sont les discours qui n’ont pas de visée argumentative, dans le sens où ils ne véhiculent aucune intention de persuader et n’entendent pas rallier l’allocutaire à une position clairement définie par des stratégies programmées. Cependant, la parole qui n’ambitionne pas de convaincre n’en cherche pas moins à exercer une influence en orientant des façons de voir et de penser. Déjà Benveniste définissait le discours comme « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (Benveniste 1974 : 241-2). Cette définition, sans doute fragmentaire, a l’avantage de souligner que tout échange verbal repose sur un jeu d’influences mutuelles et sur la tentative, plus ou moins consciente et avouée, d’user de la parole pour agir sur l’autre. Elle met l’accent sur la force de la parole - perspective développée par les courants pragmatiques pour qui le dire est un faire, et par les théories interactionnistes selon lesquelles l’exercice de la parole implique normalement plusieurs participants - lesquels participants exercent en permanence les uns sur les autres un réseau d’« influences mutuelles » : parler, c’est échanger, et c’est changer en échangeant (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 54-55).
Dans les termes de Charaudeau, tout acte de langage émane d’un sujet qui gère sa relation à l’autre (principe d’altérité) de façon à l’influencer (principe d’influence) tout en