Armance de stendhal
Armance
STENDHAL
AVANT-PROPOS
Une femme d'esprit, qui n'a pas des idées bien arrêtées sur les mérites littéraires, m'a prisé, moi indigne, de corriger le style de ce roman. Je suis loin d'adopter certains sentiments politiques qui semblent mêlés à la narration; voilà ce que j'avais besoin de dire au lecteur. L'aimable auteur et moi nous pensons d'une manière opposée sur bien des choses, mais nous avons également en horreur ce qu'on appelle des applications. On fait à Londres des romans très piquants: Vivian Grey, Almak's High Life, Matilda, etc., qui ont besoin d'une clé. Ce sont des caricatures fort plaisantes contre des personnes que les hasards de la naissance ou de la fortune ont placées dans une position qu'on envie. Voilà un genre de mérite littéraire dont nous ne voulons point. L'auteur n'est pas entré, depuis 1814 au premier étage du palais des Tuileries; il a tant d'orgueil, qu'il ne connaît pas même de nom les personnes qui se font sans doute remarquer dans un certain monde. Mais il a mis en scène des industriels et des privilégiés, dont il a fait la satire. Si l'on demandait des nouvelles du Jardin des Tuileries aux tourterelles qui soupirent au faîte des grands arbres,
elles diraient: __ Nous, promeneurs, nous répondrions: __ > Notez que l'auteur serait au désespoir que je lui crusse un style bourgeois. Il y a de la fierté à l'infini dans ce coeur-
là. Ce coeur appartient à une femme qui se croirait vieillie de dix ans si l'on savait son nom. D'ailleurs un tel sujet! ... __ STENDHAL, Saint-Gigouf, le 24 juillet 1827.
CHAPITRE PREMIER
It is old and plain ...It is silly sooth And dallies with the innocence of love. __ Twelfth Night, act. II A peine âgé de vingt ans, Octave venait de sortir de l'école polytechnique. Son père, le marquis de Malivert, souhaita retenir son fils unique à Paris. Une fois qu'Octave se fut assuré que tel était le désir constant d'un père qu'il respectait et de sa mère qu'il aimait avec