C’est une idée commune de considérer que l’art, par ses oeuvres – qu’elles soient figuratives ou, à plus forte raison, qu’elles ne le soient pas –, nous aide à nous échapper du monde, et donc du réel. Bien sûr, beaucoup de tableaux représentent la nature. Certes on reconnaît des visages, des corps ou des scènes sur les façades sculptées des temples et des églises. Mais la représentation artistique des choses transpose toujours le monde perçu, celui dans lequel nous vivons, selon un style et une manière qui nous dépaysent. Un coucher de soleil de Turner ne sera jamais celui que je pourrais observer au bord de la mer. Quant aux arts plus abstraits, moins figuratifs, comme la musique ou la danse, ils nous font entrer dans un univers propre manifestement très éloigné de celui de notre vie quotidienne. Alors il semblerait bien, en effet, que l’art nous fasse voyager en d’autres mondes que le nôtre et représente en cela, pour nous, une évasion. Il n’est pas sûr toutefois que, si l’art nous embarque, ce soit forcément pour nous faire entreprendre un circuit paisible au pays de l’imaginaire. Il se pourrait que l’expérience de l’art nous confronte à des contraintes et à des nécessités, bref nous reconduise à du réel. Dans une première partie, nous verrons en quoi l’art est une évasion hors monde, puis nous verrons qu’il fait preuve de réalisme, puis nous verrons que l’art nous apporte une connaissance du