Au bonheur des ogres
Un homme parmi tant d’autres.
Nous étions à Bruxelles, début 1985, il faisait froid, très froid. Pierre Legrand vivait seul dans un petit appartement situé dans une ruelle non-loin de la célèbre rue de la Loi. Il se collait à son chauffage, accompagné d’un gros pull en laine que sa mère lui avait offert quelques mois avant son décès. Il ne s’était pas attendu à un si grand froid ce soir-là. Il était excédé car, comme chaque soir, ses voisins d’en face du couloir se disputaient. Un jeune couple tout juste marié. Le bruit courait déjà qu’ils allaient divorcer et cela ne l’étonnait pas vraiment. Pierre trouvait ça tout de même triste. Mais il avait d’autres voisins, de l’autre côté du mur de la cuisine. Ils l’intriguaient plus particulièrement car la nuit, il y entendait des bruits étranges, comme si on y déplaçait des meubles. Mais il n’y prêtait pas plus attention que ça, même s’il se demandait un peu ce qui se passait dans leur appartement. Ils s’appelaient Mr et Mme Degeer, un couple banal, qui ne paraissait pas vraiment différent des autres, mais
Mme Degeer était une femme intrigante et elle était quelque peu taiseuse voire mystérieuse. Elle était petite, comme son mari. Lui était aussi trapu. Il allait souvent se balader dans les rues de Bruxelles, mais dès qu’on le voyait sortir, il était toujours seul, sans sa femme.
Revenons à Pierre, c’était un homme de bonne humeur en général. Etant professeur de karaté, il avait une assez bonne et grande allure, en plus de sa grande taille. Il avait les cheveux et les yeux de couleur foncée. Côté cœur, il n’avait jamais connu une histoire sérieuse dans sa vie jusqu’à présent. Sa sœur, Anne, était assistante sociale et avait le couple Degeer comme patients. Elle lui a fait part qu’ils se plaignent eux aussi de bruits étranges dans leur appartement : des objets se déplacent pendant la nuit, la télévision se met en marche toute seule, les portes laissées ouvertes claquent violemment … Ce qui ne