Auguste
La pièce de Cinna pose de redoutables, voire d'insurmontables problèmes, que la critique a souvent évoqués sans peut-être, et j'y reviendrai un jour, en avoir pourtant encore vraiment mesuré toute l'ampleur et toute la difficulté, notamment en ce qui concerne la cohérence psychologique des personnages et particulièrement celle de Cinna lui-même 1. En revanche, la question de savoir à quel moment exactement Auguste se décide à pardonner, question sur laquelle les critiques sont divisés, est un faux problème, car le texte, à la condition de bien vouloir le lire avec l'attention qu'il mérite, nous fournit assez d'éléments pour arriver à une réponse qui ne laisse guère de place au doute : c'est entre la fin de la scène 3 de l'acte IV et l'acte V qu'Auguste prend sa décision, et, lorsqu'on le retrouve avec Cinna, à la scène 1 de l'acte V, il a déjà fait son choix.
Un certain nombre de critiques semblent considérer qu'Auguste, pris d'une sorte d'accès subit de clémence, ne prend brusquement la décision de pardonner qu'au moment même où il l'annonce, après avoir entendu la confession de Maxime, à la scène 3 de l'acte III. C'est notamment l'opinion de M. Paul Bénichou qui écrit : “ Il y a bien dans cette clémence un calcul, mais de gloire et non de politique; encore serait-il plus juste de dire que c'est un sursaut de gloire, qui fait brusquement mettre bas les armes au désir de vengeance au moment même où il touche à son comble devant les trahisons coup sur coup révélées. L'annonce imprévue de l'infidélité de Maxime provoque soudain, et contre l'attente, l'éclair de la générosité, surgi comme un défi au destin et à la tentation de punir, et dédié presque aussitôt aux siècles à venir, comme à un auditoire grandiose 2 ”. C'est aussi l'opinion d'Octave Nadal pour qui “ Quand paraissent Cinna, puis Emilie et Maxime, Auguste n'a pu rien décider. Le pardon sera la solution naïve et sublime; aussi imprévue pour