Autrui
Mais suffit-il de sortir du domicile, d’aller à la rencontre de l’autre, pour vaincre cette solitude qui paraît le lot d’un nombre croissant d’individus aujourd’hui ? On peut se demander si la nostalgie du visage de l’autre - nostalgie qui est le pendant de la dénonciation évoquée précédemment - n’est pas fabriquée : les hommes ont-ils connu des périodes où l’entente fût plus aisée, où la communication allât de soi, autorisant un vrai partage ? Ou bien l’individualisme n’est-il qu’une des multiples figures d’une solitude que nous ne parvenons pas à réduire ? Y a-t-il un vrai moment de présence d’autrui pour moi, et que signifie cette présence pour moi ? En somme la présence d’autrui permet-elle d’éviter la solitude ou accuse-t-elle encore celle-ci dans l’instant d’un face-à-face où chacun mesure sa différence avec l’autre ?
Nous tenterons de répondre à ces interrogations en analysant les possibilités pour le sujet d’entrer en contact avec autrui, d’établir un partage voire de fusionner avec lui. Mais nous verrons les limites et les dangers d’une telle communion et la nécessité d’une différence - donc d’une solitude - irréductible entre autrui et moi pour donner un sens à notre relation et lui garantir une spécificité éthique.
A première vue, l’homme n’est pas fait pour la solitude. Certes, il n’est pas dépendant de la collectivité comme le sont la fourmi ou l’abeille - chacune, dans la ruche ou la fourmillière, a sa spécialité ou son rôle qui ne servent en rien la survie individuelle mais n’ont de