Bannières de mai de rimbaud
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.
Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah moins seul et moins nul ! - je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.
Je veux bien que les saisons m'usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne ;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.
Rimbaud, Derniers vers, mai 1872
Commentaire littéraire
Bannières de mai.
D’Arthur Rimbaud (1854-1891), si l’on retient « L’homme aux semelles de vent », « Le dormeur du val », le bohémien dont l’ « unique culotte avait un large trou » ou encore le voyant qui suivra son célèbre « Bateau ivre », c’est encore minimiser l’œuvre d’un poète exceptionnel et novateur, d’un créateur épris de liberté à tous les sens du terme, d’un talent remarquable et inclassable qui ouvrira la voie à la poésie contemporaine du XX ème siècle tout en cessant pourtant d’écrire à 21 ans parce qu’il estimera avoir accompli tout ce qui était en son pouvoir : un homme de paradoxes, un exigeant, un insatisfait. Le poème « Bannières de Mai » contribue donc à ouvrir un regard neuf sur ce poète et laisse entrevoir le tournant qu’il prend dans son écriture et la complexité de l’œuvre qu’il livrera à la postérité. Ce poème de mai 1872 est le dixième du recueil « Vers nouveaux » encore appelé « Derniers vers ». C’est le premier des quatre poèmes regroupés sous le titre « Fêtes de la Patience » : il est