Baudelaire, Flaubert, Sue, victimes d'acharnement judiciaire...
Ah ! Qu’il faisait bon vivre sous le Second Empire... Sa rigidité, son moralisme intransigeant, son goût pour l’art pompier, son amour de la littérature édifiante et son penchant pour la censure qui, sous prétexte d’« atteinte à la morale publique et aux bonnes mœurs » – fourre-tout bien pratique –, n’ose même pas dire son nom... Que retient l’histoire littéraire de l’année 1857 ? Que trois grands auteurs furent malmenés par la justice. Trois affaires retentissantes derrière lesquelles se profile l’acharnement d’un homme, borné, intraitable, bête parfois : Ernest Pinard, un homme redoutable et ambitieux.
Né le 10 octobre 1822, Pinard reçoit de sa mère une sérieuse éducation catholique. Très pieux, il entre tout d’abord au petit séminaire avant de suivre des études de droit et s’inscrire au barreau de Paris en 1846. Mais, convaincu de la nécessité de l’autorité, il devient procureur en 1849. Rallié à Louis-Napoléon Bonaparte, il est nommé substitut à Troyes en 1851, substitut du procureur impérial à Reims en 1852 puis substitut au Parquet de la Seine en 1853.
En 1857 donc, il poursuit avec plus ou moins de bonheur Gustave Flaubert, Charles Baudelaire et Eugène Sue. Flaubert, d’abord, en février, pour son premier roman, Madame Bovary, jugé scandaleux parce que complaisant dans la narration des aventures extraconjugales d’Emma. Il sera acquitté. Baudelaire, ensuite, en août, dont Les Fleurs du Mal seront délestées de six poèmes, plus une amende. Il faudra attendre... 1949 pour que la Cour de cassation annule le jugement et autorise enfin la publication des six poèmes. Sue, enfin, en septembre, pour Les Mystères du Peuple. Six ans après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le pouvoir est plus que déterminé à faire taire ceux qu’il juge comme des