Baudelaire a une passante
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À UNE PASSANTE
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! »
Extrait des Fleurs du Mal, « Tableaux parisiens » (1861).
SQ 5 Séance 1
« À UNE PASSANTE » :
CHARLES BAUDELAIRE
Avant d’analyser ce sonnet, d’une forme souvent dite « libertine » (c’est-à-dire dont le second quatrain ne reprend pas les rimes du premier), voici un poème célèbre de Nerval dont « À une passante » propose la réécriture.
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UNE ALLÉE DU LUXEMBOURG
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau :
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !…
Mais non - ma jeunesse est finie…
Adieu, doux rayon qui m’as lui -
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait - il a fui !
SQ 5 Séance 1
« À UNE PASSANTE » : CHARLES BAUDELAIRE (LES FLEURS DU MAL)
INTRODUCTION
Il s’agit d’un sonnet de Baudelaire extrait des Fleurs du Mal parues en 1857. Dans cette partie du recueil, intitulée « Tableaux parisiens » (1861), le poète peint des scènes de la vie quotidienne, scènes prises sur le vif et d’autant plus fortes que