MONTAIGNE Le style de Montaigne est allègre et affranchi : il virevolte d'une pensée à l'autre, « à sauts et à gambades ». Néanmoins, il s'explique principalement par le fait qu'il dictait ses pensées, ce qui peut expliquer ce ton si particulier et que l'on retrouve surtout dans les Essais. Ses considérations sont en permanence étayées de citations de classiques grecs et romains. Il s'en explique par l'inutilité de « redire plus mal ce qu'un autre a réussi à dire mieux avant lui ». Fuyant le pédantisme, il évite néanmoins de rappeler à chaque fois l'auteur ou l'œuvre citée, de toute façon connus à son époque. Les annotateurs futurs de son œuvre s'en chargeront. Il déclare que son but est de « décrire l'homme, et plus particulièrement lui-même (...) et l'on trouve autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui ». Il estime que la variabilité et l'inconstance sont deux de ses caractéristiques premières. « Je n'ai vu, dit-il, un plus grand monstre ou miracle que moi-même ». Il décrit sa pauvre mémoire, sa capacité à arranger des conflits sans s'y impliquer émotionnellement, son dégoût pour les hommes poursuivant la célébrité et ses tentatives pour se détacher des choses du monde afin de se préparer à la mort. Sa célèbre devise « Que sais-je ? » apparaît comme le point de départ de tout son étonnement philosophique. Les humanistes avaient cru retrouver dans le Nouveau Monde le Jardin d'Éden, alors que Montaigne déplore que la conquête de l'Amérique apporte des souffrances à ceux qu'on tente de réduire en esclavage. « Viles victoires. » Il était plus horrifié par la torture que ses semblables infligeaient à des êtres vivants que par le cannibalisme de ces Indiens qu'on appelait sauvages, et il les admirait pour le privilège qu'ils donnaient à leur chef de marcher le premier à la guerre. Comme beaucoup d'hommes de son temps (Érasme, Thomas More, Guillaume Budé...), Montaigne constatait un relativisme culturel, reconnaissant que les lois, les