Beckett
-Les personnages n'ont plus rien pour séduire; ils ont tout pour inspirer une certaine répugnance. Tout ce qui a trait à la vie physique provoque en effet le dégoût du spectateur ou du lecteur.
Clov « empest[e] l'air » (p. 16) et « pue » comme s'il était déjà mort (p. 63).
Hamm a « envie de faire pipi» (p. 38) et, grâce à un cathéter, fait son pipi (p. 49).
-Tous les autres besoins ou réactions du corps provoquent de la même façon une forme de rejet.
Hamm passe une partie de son temps à bâiller.
Nagg cherche à se faire gratter le bas du dos (p. 32-33).
Sa nourriture se réduit à de la bouillie: « Ah il n'y a plus de vieux! Bouffer, bouffer, ils ne pensent qu'à ça! » (p. 21).
Parcequ'il appartient à la langue familière, voire vulgaire, le verbe « bouffer » déconsidère le corps et l'acte de s'alimenter.
-Les apparences physiques des uns et des autres ne sont pas davantage agréables.
Hormis leurs divers handicaps, Clov a le teint « très rouge » (p. 11) et le « grand mouchoir » étalé sur le visage de Hamm est « taché de sang » (p. 13).
Le gueux qui supplie Hamm de le recueillir avec son enfant a un visage
« tout noir de saleté et de larmes mêlées » (p. 69).
->Les personnages de Beckett n'ont rien de jeunes premiers. Hamm évoque certes la beauté de la Mère Pegg, mais c'était « autrefois ». Comme le remarque Clov.
"Nous aussi on était jolis — autrefois. Il est rare qu'on ne soit pas joli — autrefois » (p. 59). Depuis le temps a passé.
B.Une dégradation continue
-Le corps n'est pas seulement repoussant, il se corrompt aussi en permanence, jour après jour. Même pour mener sa vie diminuée,
Hamm a tour à tour besoin de « calmant » et de « remontant » (p. 38).
La "goutte d'eau" qu'il dit avoir dans la «tête» (p. 31) peut s'interpréter comme un accident vasculaire cérébral.
Nagg a perdu « hier» sa dernière dent (p. 28).
Son ouïe baisse, et sa vue également.
Celles de Nell ne