Bellour
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« Raymond Bellour, la chambre et l'art de "l'entre-images" »
Martine Bubb
J'ai souhaité "mettre à l'épreuve" les notions que Raymond Bellour développe dans son ouvrage sur le cinéma et la vidéo : L'Entre-Images (1) tomes 1 et 2, et montrer en quoi elles sont pertinentes pour comprendre certains enjeux non seulement de l'art contemporain mais aussi de la philosophie quand elle se propose de réfléchir sur le médium ou le "milieu du monde" (2). Saisir cet entre de l'art et de la philosophie, observer les croisements et les empiètements qui peuvent s'opérer, c'est penser l'indétermination toujours plus grande des frontières non seulement entre les images elles-mêmes mais aussi entre les mots et les images, l'art et le langage... Cette perspective n'est pas médiologique, c'est-à-dire qu'elle n'est axée ni sur les dispositifs de communication ni sur l'intermédialité que le terme d'entre-images semble appeler mais elle se construit sur des appareils et à partir des oeuvres, en dehors de toute sémiotique. Certes Raymond Bellour, dans un de ses essais (3), se penche longuement sur le travail de Christian Metz et sur la distinction que celui-ci opère entre le « perçu et le nommé » qui forme un parallèle évident avec le sous-titre de L'entre-images : "Mots, images", mais il est tout à fait conscient de l'écart qui le sépare de Ch. Metz tenté, lui, d'oublier la différence propre à tout support, alors que les images ne sont pas réductibles aux mots. Il nous rappelle qu'autrefois, il y avait la peinture, la photo, le cinéma. Cette définition dérive de l'âge classique qui établissait une hiérarchie rigoureuse entre les arts : arts majeurs / arts mineurs. Lessing, dans son souci de libérer la peinture encore soumise au langage littéraire, avait franchi une étape décisive dans son Laocoon (4), en tentant de dégager la spécificité de chaque art, mais il a fallu attendre l'époque moderne pour voir peu à peu disparaître les frontières.