Benjamin constant
Discours prononcé à l’Athénée royal de Paris
Benjamin CONSTANT
Messieurs
Je me propose de vous soumettre quelques distinctions, encore assez neuves, entre deux genres de liberté, dont les différences sont restées jusqu’à ce jour inaperçues, ou du moins, trop peu remarquées. L’une est la liberté dont l’exercice était si cher aux peuples anciens ; l’autre celle dont la jouissance est particulièrement précieuse aux nations modernes. Cette recherche sera intéressante, si je ne me trompe, sous un double rapport.
Premièrement, la confusion de ces deux espèces de liberté a été parmi nous, durant des époques trop célèbres de notre révolution, la cause de beaucoup de maux. La France s’est vue fatiguer d’essais inutiles, dont les auteurs, irrités par leur peu de succès, ont essayé de la contraindre à jouir du bien qu’elle ne voulait pas, et lui ont disputé le bien qu’elle voulait. En second lieu, appelés par notre heureuse révolution (je l’appelle heureuse, malgré ses excès, parce que je fixe mes regards sur ses résultats) à jouir des bienfaits d’un gouvernement représentatif, il est curieux et utile de rechercher pourquoi ce gouvernement, le seul à l’abri duquel nous puissions aujourd’hui trouver quelque liberté et quelque repos, a été presque entièrement inconnu aux nations libres de l’antiquité. Je sais que l’on a prétendu en démêler des traces chez quelques peuples anciens, dans la république de Lacédémone, par exemple, et chez nos ancêtres les Gaulois ; mais c’est à tort.
Le gouvernement de Lacédémone était une aristocratie monacale, et nullement un gouvernement représentatif. La puissance des rois était limitée ; mais elle l’était par les éphores, et non par des hommes investis d’une mission semblable à celle que l’élection confère de nos jours aux défenseurs de nos libertés. Les éphores, sans doute, après avoir été institués par les rois, furent nommés par le peuple. Mais ils