Blok en france
Blok n'aimait pas la France. Pour lui, la France n'avait pas « l'esprit musical ». Elle lui était profondément étrangère et si, par exemple, il tomba amoureux de la Bretagne légendaire, nous voyons par les lettres envoyées de France à sa mère que la Bretagne réelle lui inspirait à peu près le même dégoût que Paris. Tout au plus reconnut-il à la France, dans son poème les Scythes, « le piquant esprit des Gaulois {ostryj galľskij dwc). On peut se demander si la France n'est pas, elle aussi, restée étrangère à Blok. Car, malgré la bonne dizaine de traductions des Douze existant en langue française, malgré plusieurs articles d'érudition, malgré deux thèses de doctorat et quelques articles d'encyclopédie, Blok reste à peu près inconnu en France. La raison première en est l'absence de grandes traductions poétiques capables d'imposer un texte poétique au public français. Car poser le problème de « Blok en France » revient à poser le problème de la traduction poétique en français. Dès 1923, Sidersky publiait une traduction dite « définitive » des Douze1 : elle a aujourd'hui sombré dans l'oubli, comme beaucoup de celles qui l'ont suivie. A ce sujet, on ne saurait mieux faire que citer le préfacier d'une des nombreuses anthologies de la poésie russe parues en France depuis 1945 (et dont aucune n'a réussi à s'imposer). Préfaçant en 1947 l'anthologie de Raïs et Robert2 , l'écrivain catholique Stanislas Fumet écrivait : Jusqu'à ce que nous sachions le russe, nous devrons, hélas ! renoncer à entendre la cadence des vers dont ceux qui lui prêtent une oreille intelligente affirment qu'elle est sans égale au monde. Les traductions ne rendent que la couleur de la poésie russe ; très peu sa ligne, à peu près pas sa mélodie. Stanislas Fumet rappelle ensuite que la même incapacité frappe la poésie fran çaise, qu'il s'agisse de traductions de l'allemand, de l'anglais ou du russe. L'absence d'accent tonique, l'épuisement des rimes et surtout le