cadot colin
Vendredi ou la vie sauvage
1971
D’après « Vendredi ou les limbes du
Pacifique »
1. À la fin de l’après-midi du 29 septembre 1759,
À la fin de l’après-midi du 29 septembre 1759, le ciel noircit tout à coup dans la région de l’archipel Juan
Fernandez, à six cents kilomètres environ au large des côtes du Chili. L’équipage de La Virginie se rassembla sur le pont pour voir les petites flammes qui s’allumaient à l’extrémité des mâts et des vergues du navire. C’était des feux Saint-Elme, un phénomène dû à l’électricité atmosphérique et qui annonce un violent orage.
Heureusement, La
Virginie sur laquelle voyageait
Robinson n’avait rien à craindre, même de la plus forte tempête. C’était une galiote hollandaise, un bateau plutôt rond, avec une mâture assez basse, donc lourd et peu rapide, mais d’une stabilité extraordinaire par mauvais temps. Aussi le soir, lorsque le capitaine van Deyssel vit un coup de vent faire éclater l’une des voiles comme un ballon, il ordonna à ses hommes de replier les autres voiles et de s’enfermer avec lui à l’intérieur, en attendant que ça se passe. Le seul danger qui était à craindre, c’était des récifs ou des bancs de sable, mais la carte n’indiquait rien de ce genre, et il semblait que La Virginie pouvait fuir sous la tempête pendant des centaines de kilomètres sans rien rencontrer.
Aussi le capitaine et Robinson jouaient-ils aux cartes
tranquillement pendant qu’au-dehors l’ouragan se déchaînait. On était au milieu du XVIII e siècle, alors que beaucoup d’Européens – principalement des Anglais – allaient s’installer en Amérique pour faire fortune.
Robinson avait laissé à York sa femme et ses deux enfants, pour explorer l’Amérique du Sud et voir s’il ne pourrait pas organiser des échanges commerciaux fructueux entre sa patrie et le Chili. Quelques semaines plus tôt, La Virginie avait contourné le continent américain en passant bravement le terrible cap Horn.
Maintenant, elle