Comment réprimer la passion même la plus faible, quand elle est sans contrepoids ? Voilà l'inconvénient des caractères froids et tranquilles : tout va bien quand leur froideur les garantit de toute tentations , mais s'il en survient une qui les atteigne, ils sont aussitôt vaincus qu'attaqués, et la raison qui gouverne tandis qu'elle est seule, n'a jamais de force pour résister au moindre effort. Je n'ai été tenté qu'une fois et j'ai succombé. Si l'ivresse de quelque autre passion m'eut fait vaciller encore, j'aurai fait autant de chutes que de faux pas. Il n'y a que des âmes de feu qui sachent combattre et vaincre, tous les grands efforts, toutes les actions sublimes sont leur ouvrage , la froide raison n'a jamais rien fait d'illustre, et l'on ne triomphe des passions que en les opposant l'une à l'autre. Quand celle de la vertu vient à s'élever, elle domine seule et tient tout en équilibre. Voilà comment se forme le vrai sage, qui n'est pas plus qu'un autre à l'abri des passions, mais qui seul sait les vaincre par elles-mêmes, comme un pilote fait route par les mauvais temps."
Rousseau aborde ici le problème classique des passions. Commencez par vous demander quel est le problème philosophique précis auquel il entreprend ici de répondre (voyez avant toute chose notre rubrique "méthode" au sujet du commentaire de texte) : il ne s'agit pas tant d'analyser la passion que de se demander comment les vaincre ou les maîtriser. Cherchez alors la réponse que Rousseau entend donner à ce problème (c'est-à-dire quelle est sa thèse). Montrez qu'il oppose en fait deux stratégies possibles, l'une qu'il condamne parce qu'elle est vouée à l'échec, l'autre qu'il défend parce qu'elle lui paraît la seule possible : pour Rousseau la raison n'est d'aucun secours quand il s'agit de lutter contre les passions et seul le recours à une nouvelle passion permet de maîtriser les passions. C’est en ce sens qu’il nous dit que si l’ivresse de quelque autre passion ne l’avait pas emporté il