« […] Mardi matin, j’arrive dans la salle de soins et, au moment des transmissions, on m’apprend que M. R. vient de décéder. L’aide soignante me demande si je pouvais, dans la matinée, l’accompagner au funérarium pour y déposer le corps. C’est une grande appréhension pour moi et j’ai peur. […] L’aide soignante vient me chercher. Le corps est emballé ans le sac blanc réglementaire. Nous traversons les couloirs sombres et froids des sous sols pour emmener le corps de M. R. jusqu’à l’entrée du funérarium. A partir de là tout a changé pour moi. L’endroit était froid et lugubre. Un homme nous reçoit. Il nous demande de l’aider et il retourne le corps brutalement pour le coucher sur un autre brancard. Puis, il ouvre une grande porte grise et me dit : « Voilà le frigo commun où on met tous les sacs ». C’est alors que l’aide-soignante me dit en riant : « Imagine ! S’ils n’étaient pas dans des sacs, ils se souilleraient tous les uns, les autres ». Dans mon for intérieur j’ai pensé que j’étais déjà au bord des larmes et je trouvais sa réflexion très déplacée. Tous ces corps les uns sur les autres, espacés de quelques centimètres dans cet immense frigo sombre me font me sentir mal. Cette phrase qu’elle vient de me dire tourne en boucle dans ma tête. Je ne m’étais jamais sentie aussi mal. Cette image que je m’étais faite de cet endroit ne ressemblait en rien à ce que je voyais actuellement. Mes jambes flageolaient, je transpirais, j’avais chaud. Je retenais mes larmes comme je le pouvais, sûrement de trop je crois. Beaucoup de colère régnait en moi. Je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse traiter le corps d’une personne de cette manière