Chaitanya
Commençons par Guillaume Apollinaire et son poème LA TZIGANE du recueil ALCOOLS où nous lisons dans la première strophe:
La tzigane savait d'avance
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l'Espérance
Le poème nous est parvenu par voie écrite, mais il convient de ne pas perdre de vue (ou mieux: d'ouïe) l'origine du mot langue qui nous rappelle que la place originale de la langue est en premier « lieu » la bouche. Le système oral est primaire à l'écrit et par-là non réformable. Seule l'orthographie peut être réformée pour suivre les évolutions verbales de la réalité phonique -- dans la mesure de ce qui est possible.
Le recueil ALCOOLS d'Apollinaire est un bouleversement culturel pour plusieurs raisons, par exemple du fait que Guillaume Apollinaire renonce aux critères figés de la poésie classique en traitant de « muet » l' e muet dans un environnement de voyelles (sinon, le vers 2 en haut serait un décasyllabe et non un octosyllabe). Oublions donc pour l'instant l'image de l'écrit en nous fiant à l'image phonique de la réalité linguistique. Et nous entendrons, au fond de la prédiction de la tsigane ayant une profonde expérience de la vie et du monde, une seconde voix, un oracle qui nous dit malgré les mots que nous voyons :
La tzigane savait d'avance
Nos DEUX VIES barrées par les nuits
Nous lui dîmes ADIEU et PUIS
De ce PUITS sortit l'Espérance
La tzigane savait d'avance
Nos DEVIS barrés par les nuits
Nous lui dîmes À / AH DIEU et PUIS
De ce PUIS sortit l'Espérance
Oublions ici l'allusion au sort dans le verbe sortir comme étant peut-être trop enracinée dans la langue française.)
Ce qui importe, c'est que les deux voix ne sont pas l'une à côté de l'autre, mais elles s'entrelacent et se chevauchent. La version écrite est bien sûr celle qui domine et dont la graphie a été choisie par Apollinaire, ce qui confère à cette version la qualité de