Charleroi
Le recueil de Verlaine intitulé Romances sans paroles paraît en 1874, alors que l’auteur est en prison pour avoir tiré sur son compagnon Arthur Rimbaud. Il contient de nombreux poèmes écrits lors de la longue escapade en Belgique des deux amants.
Le paratexte permet de penser que le poème renvoie à une expérience personnelle de l’auteur. Le titre du recueil insiste, avec le mot « Romances » sur la musicalité, et la section « paysages belges », sur le pays. Le poème comporte sept strophes, composées de 4 vers de 4 syllabes (tétrasyllabe). Ce n’est pas une forme fixe. Les rimes sont embrassées.
La première et la dernière strophe se répondent : la composition est circulaire. Ces strophes appartiennent à l’univers fantastique et mythologique avec la référence aux Kobolds, génies des métaux dans la tradition germanique ; elles rompent totalement avec le monde humain et industriel évoqué dans les autres strophes.
1) Où charleroi ?
Le style de notations évoque une technique impressioniste : le réel est perçu dans un mouvement discontinu et fragmentaire. Ce procédé permet de traduire une sorte d’instantanéité de la vision et des impressions qu’elle suscite : « Plutôt des bouges/ que des maisons ». Le texte se fonde sur une juxtaposition d’éléments brefs, contenus dans le cadre étroit des tétrasyllabes. Verlaine décrit la région de Charleroi vue du train en marche. Le tétrasyllabe crée un rythme heurté assimilable à celui d’un train roulant dans la campagne. Le paysage défile à travers la vitre, ce qui peut expliquer aussi que « l’avoine siffle » v 6 ou qu’ « un buisson gifle/l’œil au passant » v 7-8. L’utilisation du pluriel « des gares tonnent » v 14 suggère la vitesse. Le rythme haché se répercute sur la description des éléments du paysage, brutale et fragmentée, à l’intérieur de strophes courtes de 4 vers.
2) Paysage état d’ame
L’absence du locuteur est relative car sa présence se manifeste dans le pronom « on » v 4, 13, 28, et la