Colloque « de la science-fiction à la réalité », jean-michel besnier
Centre d’analyse stratégique, 19 décembre 2012, (www.strategie.gouv.fr)
Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie, Université de Paris-Sorbonne
Nous avons évoqué la notion de perfectibilité, qui définit l'homme depuis le XVIIIe siècle et lui permet de devenir un être de progrès. Les paléo-anthropologues ont accentué cette perfectibilité d'une autre manière, en définissant l'homme par la néoténie, c'est-à-dire par le fait que nous soyons des êtres prématurés. Cette néoténie met d'emblée en évidence le fait que nous sommes des êtres faibles et incomplets. Elle hante les transhumanistes et ceux qui considèrent que les progrès technoscientifiques peuvent nous débarrasser de ce handicap fondamental. Depuis le XVIIe siècle, nous considérons également l’homme avant tout sous l'angle d'une mécanique, dans laquelle nous pouvons intervenir pour changer des pièces. Cette mécanisation de l'humain est allée croissante et explique que nous nous habituions à l'idée d'être des containers à organes, susceptibles d'être changés. Les spécialistes de biologie de synthèse pensent d'ailleurs pouvoir réaliser des organes artificiels.
Pour en venir au centre de notre propos, je remarque que nous parlons davantage de l’homme amélioré que de l’homme augmenté. Ces deux termes sont différents, car l'amélioration vise un mieux, tandis que l'augmentation vise un plus. À l'horizon de cet homme augmenté, se trouve l’homme parfait. La science-fiction peut alors se demander ce que nous perdrions si nous étions parfaits. L'être parfait peut s’abstraire des autres. Il ne désire plus ; il n'a plus besoin de parler, car il n'a plus d’interlocuteur ; il n’entre plus dans l’univers du symbolique qui caractérise la culture. L'homme augmenté, poussé à sa limite, est certes un être souverain, mais celui-ci ressemble à un mort-vivant. L’imaginaire des films de science-fiction, tels que Blade Runner, le montre toujours, dans mille ou deux