colonisation entre repentance et patrimonialisation
« La politique du passé : constructions, usages et mobilisation de l’histoire dans la France des années 1970 à nos jours »
Isabelle Merle et Emmanuelle Sibeud
« Histoire en marge ou histoire en marche ?
La colonisation entre repentance et patrimonialisation»
Y-a-t-il une politique du passé colonial en France à l’heure actuelle ? L’apparition en librairie de plusieurs ouvrages invitant explicitement ou non à la « repentance »1, le projet de construction d’un Mémorial d’Outre-Mer à Marseille sur le lieu même des expositions coloniales de 1906 et 1922 ou encore la présence au gouvernement de deux secrétaires d’Etat choisis dans des groupes historiquement liés à la colonisation (les Harkis et l’immigration d’origine maghrébine) plaident en ce sens. Pourtant, au même moment, certains historiens vitupèrent à l’envi le « trou de mémoire » qui interdirait une vraie gestion du passé colonial et réclament en guise d’antidote la « socialisation » d’une nouvelle histoire critique de la colonisation. Le succès de leurs travaux (publiés sous forme d’ouvrages collectifs et de numéros de revues spécialisées et grand public) suggère cependant que le « tabou » qu’ils dénoncent est en train de sauter au profit d’une ré-appropriation complexe du passé colonial.
Elle a ses mots-clés et ses formules-chocs : « l’imaginaire colonial » constituerait un refoulé collectif peuplé de « fantômes » voire de « cadavre dans le placard de la République »2. Elle oscille ainsi entre une critique érudite de nature historiographique et une logique politique de dénonciation, plus immédiatement accessible. Elle repose en pratique sur l’analyse d’images extraites de la propagande coloniale triomphante de l’entre-deux-guerres auxquelles elle rend une visibilité perdue depuis plusieurs décennies. Et la socialisation projetée se traduit par l’apparition sous ces mêmes images de logo d’association militant pour une relecture critique
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