Comment voir l'architecture
La plupart des ouvrages sur l'architecture s'ouvrent par des lamentations: nous ne manquerons pas à l'usage. Le public, dit-on, s'intéresse à la peinture et à la musique, à la sculpture et à la littérature, mais pas à l'architecture. Les quotidiens consacrent des colonnes entières au dernier livre à succès, mais ils ignorent la construction d'un nouvel immeuble, même si c'est l'œuvre d'un architecte renommé. La censure existe pour le cinéma, parfois pour la littérature, mais, pour prévenir les scandales de l'urbanisme ou de l'architecture, rien. Pourtant, si chacun est libre de tourner le bouton de la radio, de déserter les salles de concert, de cinéma ou de théâtre, comme de ne pas lire un livre, personne ne peut fermer les yeux devant les édifices qui constituent le décor de notre vie. Les difficultés sont réelles, certes. On n'organise pas une exposition de bâtiments comme une exposition de tableaux. On doit se déplacer, choisir l'ordre de ses déplacements. Qui visite une ville se laisse généralement conduire par tel ou tel guide touristique: aujourd'hui, une église baroque, une ruine romaine, une place moderne, une église paléochrétienne; demain, un temple romain, une place baroque, un cloître gothique, un baptistère byzantin... Qui de nous s'astreint à visiter le premier jour les églises byzantines, le deuxième les monuments de la Renaissance, le troisième les œuvres modernes? Qui résiste à la tentation de rompre cet ordre idéal pour admirer telle tour romane qui se dresse sur un fond d'église baroque ou pour entrer au Panthéon, à deux pas de Santa Maria sopra Minerva ? Une exposition de Francesco di Giorgio, de Neumann, de Borromini ou de Le Corbusier, chacun doit la créer pour soi, par sa propre recherche, par sa propre passion. Mais cette passion n'existe pas. Le grand public ne s'enthousiasme pas plus pour les travaux des architectes modernes que pour ceux des archéologues. Pourtant, après l'époque des