Commentaire composé : du bellay : les regrets : france, mère des arts, des armes et des lois
Extrait étudié :
France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.
Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine,
Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.
Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.
Commentaire : Recueil poétique de Joachim du Bellay (1522-1560), Les Regrets fut publié sous le titre les Regrets et Autres Œuvres poétiques à Paris chez Fédéric Morel en 1558.
Avant d’être rassemblés, nombre des sonnets qui composent le recueil circulaient soit en manuscrits, soit imprimés sans l’autorisation de l’auteur. En 1553, le poète avait accompagné à Rome son illustre parent, le cardinal Jean du Bellay, qui lui avait confié l’intendance de sa maison. Même si l’enthousiasme des premiers temps céda la place au désenchantement, le séjour romain fut loin d’être stérile: après avoir quitté Rome, en août 1557, Du Bellay publia coup sur coup, l’année suivante, les Regrets, les Divers Jeux rustiques, les Antiquités de Rome, et un recueil de Poëmata latins; en outre, le poète revenait en France pourvu de substantiels bénéfices ecclésiastiques, et l’avenir se présentait pour lui sous de bons auspices. Il ne faut donc pas faire une lecture trop littérale des sonnets relatifs à la désolation du séjour romain et à l’obligation navrante de «courtiser».
Les Regrets se nourrissent évidemment de références littéraires: dès le sonnet liminaire (“À son livre”), Du Bellay se place sous l’invocation d’Ovide,