commentaire composé d'une scène de Dom Juan
DOM JUAN, SGANARELLE, UN PAUVRE [14] .
SGANARELLE.- Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.
LE PAUVRE.- Vous n’avez qu’à suivre cette route, Messieurs, et détourner à main droite [15] quand vous serez au bout de la forêt. Mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que depuis quelque temps il y a des voleurs ici autour.
DOM JUAN.- Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur [16] .
LE PAUVRE.- Si vous vouliez, Monsieur, me secourir de quelque aumône.
DOM JUAN.- Ah, ah, ton avis est intéressé, à ce que je vois.
LE PAUVRE.- Je suis un pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans [17] , et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu’il vous donne toute sorte de biens.
DOM JUAN.- Eh, prie-le qu’il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.
SGANARELLE.- Vous ne connaissez pas Monsieur, bon homme, il ne croit qu’en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.
DOM JUAN.- Quelle est ton occupation parmi ces arbres ?
LE PAUVRE.- De prier le Ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui me donnent quelque chose.
DOM JUAN.- Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise.
LE PAUVRE.- Hélas, Monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
DOM JUAN.- Tu te moques ; un homme qui prie le Ciel tout le jour, ne peut pas manquer d’être bien dans ses affaires.
LE PAUVRE.- Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à mettre sous les dents [18] .
DOM JUAN.- Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins ; ah, ah, je m’en vais te donner un Louis d’or tout à l’heure [19] , pourvu que tu veuilles jurer.
LE PAUVRE.- Ah, Monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché ?
DOM JUAN.- Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un Louis d’or ou non, en voici un que je te donne si tu jures, tiens il faut jurer.
LE PAUVRE.- Monsieur.