Commentaire de « monsieur prudhomme » verlaine, poèmes saturniens, « caprices », v.
Verlaine, Poèmes saturniens, « Caprices », V.
TEXTE :
Monsieur Prudhomme
Il est grave : il est maire et père de famille. Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux Dans un rêve sans fin flottent, insoucieux, Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille.
5 Que lui fait l'astre d'or, que lui fait la charmille Où l'oiseau chante à l'ombre, et que lui font les cieux, Et les prés verts et les gazons silencieux ? Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille
Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu. 10 Il est juste-milieu, botaniste et pansu. Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,
Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a Plus en horreur que son éternel coryza, Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles.
COMMENTAIRE :
Verlaine publie les Poèmes saturniens en 1866 ; c’est son premier recueil. Le poème liminaire, qui le place sous l’influence de Saturne, fait discrètement allusion à un contexte historique étouffant pour le jeune poète, celui du discours rationaliste prédominant, contre lequel Verlaine entre en résistance, et celui de la bourgeoisie triomphante du Second Empire et de sa censure. « Monsieur Prudhomme » est le premier poème publié par Verlaine, dans la Revue du Progrès moral, littéraire, scientifique et artistique en 1863, revue qui sera d’ailleurs interdite peu après. Dans ce poème, le cinquième de la section des « Caprices », Verlaine stigmatise une attitude emblématique de l’époque, à travers le portrait d’un riche bourgeois établi. En quoi ce sonnet de jeunesse participe-t-il déjà de la réaction voulue par Verlaine contre une certaine rigidité, sociale et poétique ? Nous étudierons d’abord le portrait qu’il brosse d’un bourgeois, avant d’en analyser la satire, qui épingle idéologies et stéréotypes. Nous verrons finalement que Verlaine propose ici sa première conception du