Conclusion lorenzaccio
Ce héros divisé, vain, malade dans sa volonté, brûlé aux illusions du plaisir facile nous paraît bien contemporain. Sa complexité va jusqu’au rapport trouble qui unit la victime et son meurtrier (dont un lecteur attentif ne peut ignorer l’homosexualité latente). Lorenzo est un contre-héros, un personnage déchu, impur qui aspire à la pureté, mais déjà empoisonné par le mal qu’il dénonce tout en s’y vautrant. Au final, Lorenzo n’est qu’une illusion d’homme. Cette dérision, ce néant sont hallucinants. Musset, névrosé, annonce Baudelaire jusque dans son impuissance.
Ce sentiment du vide de l’existence, du vertige devant la fausseté de la vie, pour tout dire de l’absurdité fondamentale de tout, est résolument moderne. L’expression romantique du mal de vivre mute en désarroi désespéré chez Lorenzaccio. La vie derrière le masque est une sinistre plaisanterie. Nous sommes tous de pitoyables comédiens. Ce que Musset dénonce aussi de manière très particulière dans cette pièce est la forme ultime et la plus pernicieuse du masque : le langage.
« Ah ! les mots, les mots, les éternelles paroles ! S’il y a quelqu’un là-haut, il doit bien rire de nous tous ; cela est très comique, vraiment. – Ô bavardage humain ! ô grand tueur de corps morts ! grand défonceur de portes ouvertes ! ô homme sans bras! »