Consommation de masse et grande distribution : une révolution permanente (1957-2005)
Une révolution permanente (1957-2005)
Jean-Claude Daumas
L’irruption dans le paysage des villes françaises des grandes surfaces de distribution s’est accompagnée, depuis un demi-siècle, de bouleversements des méthodes de vente et des modes de consommation. Cet article explore les raisons d’un succès. Il montre également sa fragilité : au début du 21e siècle, les grandes enseignes peinent à combler les nouvelles attentes des consommateurs. Grâce à la création des grandes surfaces alimentaires (le supermarché en 1957 et, surtout, l’hypermarché en 1963) la France est entrée dans l’ère de la distribution de masse qui a mis à la disposition d’un nombre croissant de Français des objets de consommation de plus en plus nombreux et diversifiés – ces « choses » dont parlait Georges Perec en 1965. La grande distribution, entendue ici dans le sens restreint de commerce alimentaire en grandes surfaces à prix discount, a connu depuis le début des années 1960 d’incessantes transformations qui en ont bouleversé les formes d’organisation, les rapports à la clientèle, les assortiments et les prix. Cette révolution permanente, dont l’objectif est la conquête de nouvelles parts de marché afin d’améliorer la profitabilité des enseignes, trouve son ressort le plus puissant dans la nécessaire adaptation de la distribution aux mutations de son environnement – l’évolution de la consommation d’abord, mais aussi les contraintes réglementaires, la concurrence entre enseignes et formats et les rapports avec les fournisseurs. Il ne s’agit pas d’embrasser ici de manière exhaustive l’histoire de la grande distribution,
VINGTIÈME SIÈCLE. REVUE D’HISTOIRE, 91, JUILLET-SEPTEMBRE 2006, p. 57-76
mais d’en étudier le développement sous l’angle de ses rapports avec la dynamique de la consommation en cherchant à comprendre comment, dans leurs configurations successives, les grandes surfaces sont le résultat d’un processus d’innovation commerciale