Constitution
UNE CONCEPTION DU POUVOIR
La Vème n’est pas seulement une architecture institutionnelle : elle naît dans un monde particulier, aussi bien social, culturel que politique. Ce monde, c’est le monde de l’après-guerre, marqué par un énorme effort de reconstruction, et aussi par une nouvelle guerre : la guerre froide, où s’affrontent les blocs de l’Est et de l’Ouest. C’est aussi les 1ers balbutiements de l’Union Européenne, avec le traité de Rome… En même temps, la France est secouée très brutalement par les soubresauts de la décolonisation et la fin de l’Empire français. Ce monde est un monde de peurs, de nostalgie, et un monde très brutal, surtout à cause de la guerre d’Algérie, qui à l’époque est vécue comme une guerre civile et non comme une guerre de libération nationale. Les jeunes Français font leur service militaire là-bas. C’est aussi un monde de très grands espoirs dans le développement économique, la croissance, la technique, les progrès dans le confort de vie. « La Vème République est celle de la machine à laver le linge » : elle s’inscrit dans son temps, le temps des années 50. Elle ne peut être comprise indépendamment des conditions historiques, de l’état de la société dans laquelle elle est née. Les juristes ont tendance à considérer leur objet indépendamment de l’Histoire : et bien non, une constitution, c’est toujours marqué par des valeurs, des espoirs, des craintes, des expériences… Expérience de la guerre, de l’instabilité gouvernementale… La constitution est marquée par son temps, qui est le temps des ses fondateurs. Elle arrive au terme d’une histoire : elle est porteuse d’une histoire. Pour un contemporain, à la fin des années 50, la constitution est comme le point d’aboutissement d’une histoire, une histoire très longue, très conflictuelle, qui est celle du très long basculement du cœur de l’Etat du législatif vers l’exécutif. Ce basculement s’opère dès la fin du 19ème siècle, sous la 3ème puis la 4ème.