Contes a Ninon
Contes à NinonÉmile ZolaSIMPLICEIIl y avait autrefois, — écoute bien, Ninon, je tiens ce récit d’un vieux pâtre, — il y avait autrefois, dans une île que la mer a depuis longtemps engloutie, un roi et une reine qui avaient un fils. Le roi était un grand roi : son verre était le plus profond de son empire ; son épée, la plus lourde ; il tuait et buvait royalement. La reine était une belle reine : elle usait tant de fard qu’elle n’avait guère plus de quarante ans. Le fils était un niais.Mais …afficher plus de contenu…
J’écoutais toujours, je finissais par ne plus comprendre. J’ai pensé qu’ils disaient de gros mots. Comme je ne pouvais m’éloigner, je me suis bravement bouché les oreilles.Le carnet de danse était en pleine hilarité. Il se mit à débiter une foule de noms pour prouver à Georgette que Thérèse était bien la petite sotte enlaidie par un maintien trop modeste.— Paul a des yeux bleus, dit-il. Certes, Paul n’est pas menteur, et je l’ai entendu te dire des paroles bien douces.— Oui, oui, répéta Georgette, M. Paul a des yeux bleus, et M. Paul n’est pas menteur. Il a des moustaches blondes que je préfère beaucoup à celles de Charles.— Ne me parle pas de Charles, reprit le carnet ; ses moustaches ne méritent pas le moindre sourire. Que …afficher plus de contenu…
tous te trouvent charmante et quêtent pendant de longues heures l’aumône de ton sourire.Georgette se remit à compter les glands de la couverture. Le bavardage du carnet commençait à l’effrayer. Elle le sentait qui brûlait ses mains ; elle eût voulu le fermer et n’en avait pas le courage.— Car tu étais reine, continua le démon. Tes dentelles se refusaient à cacher tes bras nus, ton front de seize ans faisait pâlir la couronne.Ah ! ma Georgette, tu ne pouvais tout voir, sans cela tu aurais eu pitié. Les pauvres garçons sont bien malades à l’heure qu’il est !Et il eut un silence plein de commisération. L’enfant qui l’écoutait, souriante, effarouchée, le voyant rester muet :— Un nœud de ma robe était tombé, dit-elle. Sûrement cela me rendait laide. Les jeunes gens devaient se