Controle social et domination
Premièrement, les normes et les valeurs auxquelles les individus sont appelés à se conformer sont souvent ceux d'un ou plusieurs groupes sociaux dominants, qui se tiennent pour normaux. Ainsi conçu, le contrôle social apparaîtra comme une entreprise d'imposition de normes promues par des « entrepreneurs de morale » (Howard Becker, op. cit.), comme un travail de production et de reproduction d'une idéologie dominante (Pierre Bourdieu & Luc Boltanski18), voire comme une forme dissimulée de propagande (Noam Chomsky, Edward Herman, op. cit.).
Lorsqu'une population tombe du mauvais côté de la norme, et lorsqu'elle ne peut ou ne veut s'y conformer, elle est stigmatisée, et doit dès lors déployer de difficiles stratégies de gestion du stigmate : c'est le sens des travaux d'Erving Goffman19.
Pour une norme donnée, les exigences du contrôle social ne s'appliquent pas de la même manière à tous les groupes sociaux : les illégalismes fiscaux des catégories populaires sont par exemple plus intensément contrôlés que ceux des contribuables les plus dotés20.
Cibles privilégiées du contrôle social, les catégories populaires — immigrées notamment – se voient en outre fréquemment reprocher de ne pas exercer elles-mêmes un contrôle social suffisant sur leur progéniture, dès lors livrée à la délinquance. Récurrents dans les grands ensembles, ces jugements sur l'éducation des enfants s'inscrivent dans les