Corpus
Sa présence s'opère à deux niveaux : tout d'abord la Reine presse la lettre contre son coeur et elle la brûle (la Reine s'exclame par deux fois : "sa lettre me brûle" (vers 277) et "c'est du feu" (vers 288)). La Reine donne ensuite à cette lettre un véritable statut d'interlocuteur à travers tout le jeu scénique du "je me détourne et je me retourne" noté dans les didascalies. Plus encore, ce statut de protagoniste est ensuite accentué lors de la lecture de la lettre. Il s'agit d'une mise en scène de la parole de la lettre. Notons cependant que Victor Hugo ne donne aucune indication sur le ton de la lecture. Peut-être pour accentuer cette sorte d'autonomie qu'il confère à la lettre. Sur le plan dramatique, cette lettre est mise en concurrence, à la fin de la scène, avec une autre lettre : il y a confrontation symbolique entre le roi, le mari, et l'amant. La tension s'exprime ainsi indirectement par le jeu des objets. Et la Reine n'hésite pas : elle se précipite vers cette lettre du mari qui la sauve des tentations et lui conserve sa vertu :
"Du roi ! Je suis sauvée !" (vers 806). Plus loin dans la pièce, la lettre de Ruy Blas manifestera des atouts scéniques et dramatiques encore plus significatifs car elle sera l'instrument de reconnaissance qui révèlera Ruy Blas à la Reine. En effet la Reine reconnaîtra l'écriture et confirmera ses soupçons grâce à la dentelle également conservée avec la lettre. Notons pour finir que le thème de la lettre sera repris à la toute fin de la pièce car c'est par une lettre que Salluste croira perdre totalement la Reine : la lettre qu'il avait fait écrire à Ruy Blas dans le premier acte.