De quoi l'expérience nous instruit-elle ?
Introduction
Le marché du travail semble accorder beaucoup d'importance à l'expérience : la personne à embaucher doit, en plus de son niveau d'étude, avoir une solide expérience professionnelle. Instruction et expérience ne se confondent donc pas. Si pourtant l'expérience semble porteuse d'une certain savoir, l'expérience nous instruit-elle ?
Il semblerait que l'expérience soit la condition de possibilité de toute connaissance, dans la mesure où pour connaître quelque chose il faut sortir de ses représentations et rencontrer le réel. Mais si l'expérience nous instruit du réel, une expérience demeure toujours singulière et, à ce titre, ne peut prétendre à l'universalité du savoir. Comment la science peut-elle alors s'ériger en détentrice d'une vérité à partir de l'expérience ?
Il conviendra pour développer ces trois moments de montrer que l'instruction portée par l'expérience n'est pas tant celle d'une réalité singulière que celle d'un sujet qui paradoxalement reconstruit le réel pour mieux le déterminer.
1. L'expérience est la condition de possibilité du savoir
A. Le savoir, pour être objectif, doit bien porter sur un objet extérieur au sujet
Certaines vérités sont purement formelles, comme un raisonnement logique ou un calcul mathématique (2+2=4). Si elles s'appliquent à des objets du réel, elles ne disent rien en revanche sur eux, mais seulement sur les rapports qui existent entre eux. La vérité dans ce sens est entendue comme cohérence interne d'un système.
Si l'on veut établir une vérité « sur » des objets du réel, une vérité matérielle, il faut alors sortir de ses représentations, du travail de sa raison pour « rencontrer » le réel, autrement dit en faire l'expérience. Une vérité de fait est entendue ici, non pas comme simple cohérence logique, mais comme « correspondance » de ce que l'on dit avec le réel, ou encore selon la définition de Thomas d'Aquin comme « adéquation entre les idées et les choses