democratie
Edouard Delruelle
p. 190-205
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Texte intégral
Sig
1Dans Les Deux Corps du roi (1957), Ernst Kantorowicz soutient que la nal er matrice idéologique de l’État moderne se situe dans la « théologie politique »ce médiévale, et plus précisément dans l’idée que le royaume est un corps doc um mystique dont le corps du roi est la tête, un collectif où le pouvoir est ent incorporé, au sens fort. L’État a un corps, le pouvoir a un corps. Cette thèse a fait l’objet d’une littérature considérable tant chez les historiens que chez les philosophes. Je n’ai pas l’intention de rouvrir ces débats qui supposent une compétence et une érudition que je ne possède pas. L’ouvrage de Kantorowicz me servira plutôt de pierre de touche pour m’interroger sur le politique (l’État et le pouvoir) aujourd’hui, et en particulier sur la spécificité de la démocratie.
2Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la question ouverte par
Kantorowicz n’est pas véritablement celle des rapports entre religion et politique, et encore moins celle de la subordination résiduelle du politique au théologique ; la question est plutôt celle de la religiosité du politique lui-même, du caractèresacré (= pour lequel on peut se sacrifier) dont parvient à se nimber un pouvoir purement temporel et laïque.
3Ce qui est de nature à séduire même ceux qui sont les plus rétifs à la religion, dans la thèse de Kantorowicz, c’est que cette religiosité de l’État est moins affaire de transcendance que de présence. En effet, si l’État est quelque chose de sacré, ce n’est pas parce qu’il se tiendrait en extériorité, au-dessus donc séparé des individus sur lesquels il exerce sa puissance, mais tout au contraire parce qu’il est présent à eux, il fait corps avec eux ; il est doté d’une permanence qui permet aux mortels que nous sommes de s’attacher charnellement à lui qui est immortel. Comme l’explique Pierre Manent, l’idéologie des deux corps du roi n’est pas un simple